Boire un thé brûlant au pied du pont Galata en observant le cheminement des barques qui font traverser les touristes, cahotants, de l'autre côté de la Corne d'or,
Déhambuler dans le marché aux épices, toujours bondé, où s'étalent en vrac thés à la rose et au jasmin, mangues, kiwis et figues séchés, curry, chili, cumin, gigembre en poudre, loukoms et baklavas,
Découvrir l'Agia Sophia et ses magnifiques mosaïques, observer la mosquée bleue de Sultanamet sous le soleil de midi, descendre dans les profondeurs rougoyantes de la citerne basilique au fond de laquelle se cachent les deux méduses, voir de ses propres yeux les plus vieux textes du monde bien gardés au fond du musée archéologique,
Traverser vite le marché aux poissons où les marchands criards vendent les produits de leur pêche et acheter un peu plus loin l'un de ces délicieux sandwichs au poisson tout frais cuisinés avec des gros piments bien épicés
Vivre la place Taxim en pleine manifestation et pouvoir participer, avec des milliers de turcs, aux commémorations en hommage au jeune Berkin Elvan, 14 ans, blessé par balle par un policier au cours des évènements de l'été dernier et mort après près d'un an de coma,
Expérimenter par la même occasion, les gazs lacrymogènes et les canons à eau...
Rencontrer Sinan, musicien de jazz amateur, et le suivre à travers une multitude d'escaliers pour découvrir, niché sous les toits, son petit studio d'enregistrement tout en bois,
Monter avec lui chez une de ses amies pour admirer de sa terrasse une vue imprenable d'Istanbul dans la nuit,
Se faire réveiller à trois heures du mat' par un affreux camion grue qui essaie de fixer une immense affiche électorale sur l'immeuble devant lequel était garé notre camion,
Se faire agresser, un nombre incalculable de fois, par les vociférations des voitures électorales diffusant des chansons partisanes insupportables - et oui, en Turquie aussi, ce sont les élections municipales fin mars! Elections qui, en raison des évènements récents (lois liberticides visant, entre autres, à interdire certains réseaux sociaux type Twitter, accusations de corruption de l'actuel premier Ministre Erdogan suite à la diffusion d'une conversation téléphonique au cours de laquelle il aurait demandé à son fils de planquer quelques millions juste avant que la police ne perquisitionne son domicile, enquêtes relatives à des blanchiments d'argent et prises illégales d'intérêts touchant des membres du gouvernement...), prennent une tournure nationale de sanction du gouvernement en place-
Alors qu'il pleut à verse, attendre bien à l'abri, au milieu d'une boulangerie chauffée au feu de bois, que le boulanger prépare et fasse cuire nos pides (sorte de pain garni) au fromage puis se dépêcher de rentrer au camion pour les déguster encore tout fumants,
Se rendre compte que nous n'avons plus de bois pour le poêle et partir, pleins d'espoir et sous une pluie glaciale, à la recherche de quelques bûches qui pourraient, sait-on jamais, nous attendre le long des trottoirs du centre d'Istanbul. Evidemment, ne rien trouver... Se rabattre sur un bout de palette que les ouvriers d'un chantier ont bien voulu nous céder. La découper à coups de hache sous leur yeux plus qu'amusés,
Enfin se prélasser bien à l'abri et au chaud devant le feu en écoutant la pluie battante sur le toit du camion,
Choisir le rare jour de grand soleil que nous avons eu pour faire le tour du Bosphore entassés sur un petit bateau plein de touristes qui ont eu exactement la même idée que nous,
Traverser à pied le pont Galata et tenter de compter le nombre de pêcheurs qui y sont alignés,
Apercevoir une bande de vieux copains prenant l'apéro sur le parking au pied de notre camion, accepter leur invitation et boire du raki accompagné d'horribles sandwichs à la köfte crue (viande hachée de bœuf épicée). Prendre congé quelques bouteilles plus tard...
Les retrouver le lendemain à la même heure et inventer une bonne excuse pour s'éclipser cette fois-ci avant la deuxième bouteille,
Se perdre dans les méandres du grand bazaar, entre les marchands de tapis et les vendeurs de lampes, en négociant les petites babioles que nous voulons ramener,
Boire un grand verre de jus de grenades, pressées devant nous par un petit marchand ambulant, après une longue journée de marche,
Marcher à travers toute la ville pour trouver les meilleurs loukoums d'Istanbul et les manger au coucher du soleil sur les rives du Bosphore,
Se promener une dernière fois dans les petites rues du quartier Galata en songeant mélancoliquement qu'il est maintenant temps...
Eh oui, ça y est : nous quittons avec un petit pincement au coeur Istanbul et laTurquie pour aller découvrir, en ce début de printemps, les côtes de la mer noire, côté bulgare!