En descendant la côte égéenne jusqu'à Izmir, nous nous sommes arrêtés à Ayvalik, Candarli et Focca, petits villages côtiers pleins de charme où nous avons tenté de nous mêler à la vie locale. C'est un des avantages de l'hiver : les touristes sont, pour l'essentiel, partis ou pas encore arrivés, et on a le loisir d'observer "l'activité normale" de la ville, non perturbée par les assauts touristiques.
Bien entendu, nous avons rapidement testé, Alan avec plus d'empressement que moi il va sans dire, les petits bouibouis proposant les fameux döner kepab turcs! Pour votre information, sachez que "döner" signifie "broche tournante"et" kebap" "rôti/grillé". Par conséquent, lorsque vous demandez un döner kebap, vous demandez simplement quelque chose qui est rôtie à la broche. Il faut ensuite préciser ce que vous voulez rôtir (c'est souvent de la viande : pour le poulet "tavuk", pour le mouton "kuzu") et si vous voulez le mangez en sandwich ou dans une assiette.
Nous nous sommes aussi essayés à la boza, espèce de crème de maïs que l'on boit saupoudrée d'un peu de cannelle. Ça a l'aspect et la consistance d'une danette à la vanille et un goût un peu acide s'apparentant vaguement au citron. Vous en buvez un verre, vous êtes repu pour toute la journée! En plus léger, il y a les verres de jus de fruit frais, grenade et orange, que l'on trouve à chaque coin de rue.
Bien sûr, nous avons testé les hammams, les fameux bains turcs où l'on vous frictionne au gant de crin et au savon noir au milieu des vapeurs d'eau chaudes.
Nous avons parcouru les petits ports où les pêcheurs vendent, chacun devant leur bateau, le fruit de leur récolte, les bazars où s'étalent les morceaux de viande pendues à leurs crocs suivies, un peu plus loin, par les vendeurs d' épices puis ceux des oranges, grenades, clémentines et, encore plus loin, les étals de fromages et de lait. Vie animée remplie de cris et aux multiples odeurs.
L'hospitalité turque est à la mesure de celle que nous avons rencontrée en Grèce : les gens sont toujours prêts à vous aider, à vous offrir le thé- boisson nationale en Turquie- et à vous parler de leur pays. Bien sûr, dans les endroits un peu plus touristiques, les commerçants ont une légère tendance à vous assaillir dès que vous passez devant leur magasin. Si vous avez par exemple la mauvaise idée de vous promener dans la rue des restaurants à l'heure de dîner, vous voyez, au fur et à mesure de votre chemin, surgir les serveurs de leur commerce et vous hurler en anglais puis en russe puis en allemand puis en japonnais puis en français que c'est le meilleur restaurant traditionnel turc du coin et qu'ils vous offriront le meilleur prix pourvu qu'on passe leur porte tout en s'empressant de vous donner leur carte. Moyennant quoi, si vous avez su résister à cela, vous vous retrouvez en bas de la rue une demi-heure plus tard avec une montagne de cartes dans les poches de restaurants dans lesquels vous n'entrerez jamais! Et les bazars, c'est pire!
Mais c'est le jeu et ça crée une ambiance particulièrement vivante!
C'est notamment le cas à Izmir, troisième ville du pays après Istanbul et Ankara, où se trouve un gigantesque bazar dans lequel on peut se perdre des heures durant. Izmir c'est une immense ville côtière au tourisme florissant : c'est la tour de l'horloge, symbole de la ville, c'est l'Asänsor (ascenseur construit au dix-neuvième siècle reliant deux ruelles entre elle et offrant une vue splendide de la ville), c'est les magnifiques mosquées, c'est le "Kordon" (quartier piétonnier à front de mer dans lequel s'étalent des centaines de cafés au prix exorbitants même pour des européens), c'est l'agora construite par Alexandre le Grand et très bien préservée, c'est la baie sans cesse sillonnée par les bateaux amenant ses habitants d'un bout à l'autre de la ville... Tout ça, en bas, au bord du magnifique golfe d'Izmir...
Et puis, si on décide de grimper -c'est le mot juste : la ville est une colline- pour atteindre les quartiers hauts, juste en-dessous de la forteresse de Kadifekale, on rencontre les quartiers populaires, les quartiers moches, vétustes, aux bâtiments serrés les uns contre les autres dans des ruelles à peine accessibles tellement elles sont pentues et étroites. La face cachée d'Izmir. C'est là que nous avons rencontré Mustafa, kurde de Syrie d'une quarantaine d'années qui habite ici depuis six mois, depuis que sa maison construite au nord de la Syrie, près de la frontière turque, a été bombardée. Il est maintenant réfugié, avec sa femme, ses trois enfants et son père, dans un minuscule appartement dans lequel il s'est empressé de nous inviter pour boire le thé. Les enfants, qui ont entre six et dix ans, ne sont pas acceptés par l'école turque. Lui, comme sa femme, n'ont pas encore trouvé de travail. Ils restent donc tous là dans le minuscule appartement et rêvent de leur vie passée, de leur jolie maison syrienne détruite dont ils ne cessent de regarder les photos, de l'ancien travail de Mustafa, technicien dans une centrale électrique, qu'il regrette tant, de la famille qui est restée là-bas, de ceux qui y sont déjà morts. Dur, après cela, de retourner dans la belle ville...
Nous avons quitté Izmir pour Efes (Ephèse en français), cité antique qui fut l'une des plus grandes villes marchandes de l'Asie mineure avant d'être ensablée et vouée à l'abandon. Dédiée à la déesse Artémis et refuge de la vierge Marie pour laquelle fut édifiée une gigantesque église aujourd'hui en ruine, c'est, selon notre expérience, le site antique qui donne la meilleure idée de ce que pouvait être une ville de cette envergure durant l'antiquité. Beaucoup de bâtiments ont été relevés et restaurés (notamment la merveilleuse bibliothèque de Celsius) et on a donc véritablement l'impression de déambuler dans une ville et non sur un tas de ruines comme souvent avec les cités antiques.
Nous avons, bien sûr, visité les ruines du temple d'Artémis, l'une des sept merveilles de l'antiquité, dont il ne reste malheureusement que quelques pierres.
Nous nous sommes ensuite enfoncés dans les terres, vers l'est, pour rejoindre le célèbre site de Pamukkale classé deux fois Unesco à la fois pour la cité antique de Hiéropolis d'envergure égale à celle d'Efes (mais en ruine) et aussi pour son incroyable site naturel : les Travertins. Il s'agit de bassins de calcaire qui se sont créés au fil du temps à partir de sources d'eau chaude particulièrement riches en calcium. Cela forme un paysage mi-lunaire mi-polaire où le blanc neige du calcaire, fait ressortir le bleu turquoise des eaux chaudes, le tout recouvert de fumées vaporeuses. Stupéfiant! Hormis certains endroits très fragiles, on peut y vagabonder librement mais pieds nus pour ne pas endommager le site - ce qui ne pose aucun problème, même en hiver, puisque l'eau est chaude. Nous avons donc passé la journée à déambuler, avec un sourire émerveillé, entre les bassins d'eau chaudes et les ruines de Hiérapolis.
C'est avec toutes ces images en tête que nous nous dirigeons, après une dernière visite à Termessos, autre site antique remarquable (il y en a vraiment beaucoup en Turquie), le long d'une très jolie voie montagneuse, vers la ville d'Antalya où doivent nous rejoindre deux amies pour une petite semaine que nous espérons bien agréable.